Editorial

Cher(e)s Collègues, Cher(e)s Ami(e)s,

La recherche d’un facteur génétique de risque thrombotique est devenue une problématique importante il n’y a pas si longtemps, et l’organisation d’une activité biomédicale spécialisée s’est développée au début des années 1980. Auparavant, seul le déficit en antithrombine, préalablement identifié en 1965, était recherché chez quelques patients sélectionnés. Ensuite, ont été mis en évidence les déficits en protéine C et en protéine S, et dans les années 1990 les variations affectant les gènes codant le facteur V (facteur V Leiden), et la prothrombine (facteur II 20210A), qui sont relativement fréquentes, même dans la population générale.

La recherche d’une « thrombophilie », ainsi dénommée aujourd’hui, est donc devenue une préoccupation clinique et biologique de plus en plus prégnante mais son intérêt pratique est discuté. Toutefois, les méthodes biologiques permettant le dépistage de ces facteurs de risque sont aujourd’hui plus performantes, plus fiables, plus accessibles et donc réalisables par un grand nombre de laboratoires.

Dans la plupart des cas, la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) résulte d’une interaction délétère entre des facteurs environnementaux et génétiques de risque. Sa forme la plus classique qui se traduit par des thromboses veineuses profondes des membres inférieurs et des embolies pulmonaires est la plus fréquente, mais la recherche d’une thrombophilie est souvent perçue comme ayant un impact faible, notamment pour prédire le risque de récidive et définir la durée du traitement anticoagulant du malade.

Dans ce contexte, la prescription d’un bilan de thrombophilie incluant aussi la recherche d’anticorps antiphospholipides doit être restreinte et toujours argumentée. En pratique courante, les praticiens en hémostase sont aussi très souvent confrontés à des thromboses plus atypiques que celles associées à la MTEV classique de par leur localisation (veineuse cérébrale, splanchnique ou thrombose artérielle par exemple) ou de par les patients atteints (enfants, femmes enceintes ou traitées par une hormonothérapie notamment). Ces situations particulières justifient fréquemment une expertise spécialisée en hémostase avec des prescriptions et des analyses spécifiques.

C’est pourquoi le GFHT a décidé d’actualiser les propositions pratiques qui avaient été émises en 2009 et relatives à la prescription et à la réalisation des analyses biologiques de thrombophilie. Ce travail a mobilisé durant de longs mois un nombre important de praticiens, qu’ils soient cliniciens, biologistes ou les deux, et n’a pas été facilité par ces deux années de pandémie qui ont compliqué les échanges. Néanmoins, le document final qui vous est proposé est important et de qualité. Il comprend deux parties, l’une clinique et l’autre biologique, toutes deux présentées avec des questions et des propositions pratiques, chacune d’elles ayant été soumise à un vote exprimé par près de 100 membres du GFHT. Selon les réponses obtenues et les commentaires émis, certaines propositions ont été
amendées et in fine toutes celles qui apparaissent dans le document global ont reçu un accord professionnel fort, avec plus de 70 % d’avis favorables et moins de 20 % d’avis défavorables.

Outre les membres du GFHT, nous avons sollicité pour certaines propositions l’avis d’experts extérieurs à notre spécialité et nous les remercions aussi très chaleureusement pour leur aide.

Nous espérons donc que ce travail réalisé grâce aux efforts de beaucoup sera utile non seulement aux hémostasiens mais aussi à tous les praticiens exerçant dans d’autres spécialités et confrontés à des patients ayant une histoire thrombotique
insolite.

Nous vous proposons donc aujourd’hui de découvrir dans ce nouveau numéro de la RFHT, la seconde partie de ce travail, relative aux aspects méthodologiques et biologiques de la thrombophilie. Cet article est donc une version révisée de celui publié en 2020 dans la RFHT et comporte 8 questions (numérotées de 17 à 24) et 32 propositions pratiques (numérotées de 54 à 85).

Le texte présentant la première partie de ce travail ciblée sur les aspects cliniques et la prescription des analyses de thrombophilie comprend 16 questions avec 53 propositions. Il est en cours de révision et vous sera proposé dans un prochain numéro de la RFHT.

Dans ce numéro de la RFHT, nous vous proposons aussi comme article bref, un texte de Valérie Chamouard concernant la mise à disponibilité pour nos patients hémophiles de médicaments dans les pharmacies de ville. Cette possibilité nouvelle est devenue réalité après l’arrivée de l’emicizumab et sera sans doute ouverte à d’autres molécules dans un avenir assez proche.

Le cas clinique proposé par l’équipe de Necker permet de discuter la prise en charge d’une maladie de Willebrand acquise et le flash scientifique, écrit par l’équipe de Bernard Payrastre à Toulouse, développe les aspects mécanistiques impliqués dans les effets plaquettaires induits par les inhibiteurs de tyrosine-kinases de plus en plus utilisés dans les hémopathies malignes et leurs conséquences en pratique.

Enfin, la note du biologiste présente les notions les plus récentes relatives aux tests viscoélastiques (TEG, ROTEM notamment) et leur intérêt en pratique clinique, au lit du malade.

Nous vous remercions de votre confiance et de l’intérêt que vous porterez comme chaque trimestre à ces articles et vous souhaitons une bonne lecture.

Professeur Yves GRUEL
Rédacteur en chef de la Revue Francophone d’Hémostase et Thrombose
Service d’Hématologie-Hémostase et Centre Régional de Traitement de l’Hémophilie
Hôpital Trousseau, CHRU et Université de Tours

Professeur Pierre MORANGE
Service d’Hématologie Biologique
Hôpital de la Timone, Marseille